Salvo, un film de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza Grand Prix Nespresso, Prix Révélation France 4 - Semaine de la Critique, Cannes 2013 « L’un des plus beaux films du festival de Cannes 2013
(...) La naissance d’un duo majeur de cinéastes. » Studio Ciné Live // « Flamboyant et audacieux. (...) Une révélation, une vraie. » Le Nouvel Observateur Au cinéma le 16 octobre En partenariat avec Libération, les Inrockuptibles et Radio Nova

Synopsis

Salvo est un homme de main de la mafia sicilienne, solitaire, froid, impitoyable. Alors qu’il s’introduit dans une maison pour éliminer un homme d’une bande rivale, il découvre Rita. La jeune fille est aveugle et assiste impuissante à l’assassinat de son frère. Quelque chose d’extraordinaire se produit lorsque Salvo décide de laisser la vie sauve à ce témoin. Désormais, hantés, l’un et l’autre par le monde auquel ils appartiennent, ils sont liés à jamais.

Un film écrit et réalisé par Fabio Grassadonia et Antonio Piazza
Italie / France - 2013 - 108 min
DCP - 2.35 - Couleur - Dolby 5.1 - VOSTF
Visa n° 134 014

Fiche technique

Réalisation : Antonio Piazza et Fabio Grassadonia
Scénario : Antonio Piazza et Fabio Grassadonia
Photographie : Daniele Cipri
Son : Guillaume Sciama
Montage : Desidera Rayner
Décors : Marco Dentici
Producteurs : Massimo Cristaldi (Cristaldi Pictures)
Fabrizio Mosca (Acaba Produzioni)
Co-producteurs : Antoine de Clermont-Tonnerre (MACT Productions),
Raphaël Berdugo (Cité Films)
ARTE France Cinéma

Fiche artistique

Salvo : Saleh Bakri
Rita : Sarah Serraiocco
Puleo : Luigi Lo Cascio
Le patron : Mario Pupella

Les réalisateurs : Fabio Grassadonia et Antonio Piazza

Fabio Grassadonia et Antonio Piazza sont deux scénaristes-réalisateurs siciliens. Ils ont longtemps travaillé comme scénaristes et consultants pour les sociétés de production italiennes Filmauro et Fandango. Ils ont écrit en 2004 la comédie musicale Ogni volta que te ne vai.

Ils travaillent encore comme consultants en développement de scénarios, et collaborent avec de nombreuses institutions, comme la Résidence de la Berlinale, Nisi Masa ESP ou encore le FilmLab De Turin.

Leur premier court-métrage Rita a été présenté dans plus de cent festivals internationaux (Rotterdam, Angers, Toronto etc.) et récompensé par de nombreux prix, dont une mention spéciale dans le cadre du « Prix Solinas », la plus importante récompense italienne dédiée aux courts-métrages.

Salvo, inspiré de l’histoire de Rita, est leur premier long-métrage. Sélectionné à la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, il a reçu le Grand Prix Nespresso de la Semaine de la critique (jury présidé par le réalisateur Miguel Gomes) et le Prix de la Révélation France 4 (jury présidé par la réalisatrice Mia Hansen-Løve)

Entretien avec les réalisateurs

L’histoire du film se passe à Palerme. A quel point vous importait-il de tourner le film en Sicile ?

Nous sommes tous les deux de Palerme et nous avons naturellement choisi de placer cette histoire dans notre ville. Palerme est un monde où la liberté est dangereuse, un monde qui ressent le besoin d'un tyran, d’un oppresseur : une situation totalement inacceptable, mais en quelque sorte compréhensible. Ce qui est plus mystérieux, c'est la présence d'une majorité silencieuse qui souhaite être oppressée, qui a besoin de vivre dans un « état d'exception », un état d'urgence permanente, où la violence et l'oppression sont les seules lois. Une situation où une rencontre dépourvue d'entraves entre deux êtres humains est inconcevable.

Quand, après avoir passé plus de dix ans à écrire et monter les histoires d'autres personnes, nous avons décidé de travailler sur la nôtre, c’est tout naturellement que nous avons été attirés par une histoire sicilienne, qui puisse refléter notre propre relation à la Sicile, à la manière dont celle-ci est le plus souvent représentée, et comment ces formes narratives ont progressivement été piégées et prises dans une forme et un contenu qui sont devenus ringards, et très souvent dépassés. La grande majorité des fictions littéraires, télévisuelles et cinématographiques ayant trait à la mafia tend à une simplification à outrance, une platitude stylistique et une répétition de stéréotypes qui ont généré des mythologies ambiguës et ont tout anesthésié : à la fois la réalité et la vie. Nous avons ressenti le besoin d'apporter une nouvelle vie à ces aspects.

Nous avons tourné le film lors des mois d'été les plus chauds en Sicile afin de pouvoir montrer de manière tangible et même physique le fardeau de l'existence quotidienne. Nous voulions que nos personnages soient immergés dans une atmosphère particulière. Un état d'esprit qui ne soit pas simplement un cadre photographique. Le genre de conditions lourdes, poisseuses, malsaines qui pourraient avoir aidé à façonner ces âmes que nous rencontrons dans notre histoire.

Quel a été le point de départ du projet ? Comment l'avez-vous développé en termes narratifs ?

Un miracle, dans un monde d'où les miracles ont été bannis, est-il encore possible ? C'est la première question à laquelle nous avons essayé de répondre pour donner un sens à l'histoire de Salvo.

La rencontre entre les deux personnages principaux engendre une crise, une levée provisoire de cet état d’urgence qui caractérise Palerme : l'option très risquée qu’est la liberté de choix. Un moment de grâce inattendu. C'est le genre de miracle que ce monde craint et dont il a le plus besoin.

Pour éviter les écueils et les risques d'une réalisation excessivement conceptuelle, nous avons placé le film dans un cadre dramatique traditionnel et nous avons utilisé les outils du genre, en particulier celui du « film noir », même si le film développe progressivement des nuances et des rebondissements qui sont inattendus pour le genre en question. De la même manière que la rencontre entre les deux personnages principaux va à l'encontre des attentes du monde auquel ils appartiennent, il nous a paru cohérent d'aller contre les attentes liées au genre.

Rita est aveugle. Sa rencontre avec Salvo rend possible un miracle. Quelle est la valeur métaphorique d'un tel événement ?

Dans un monde peuplé d'esprits enchaînés à leur non-existence quotidienne, dans un monde qui, à un plus ou moins grand niveau de simulacre, porte le masque de la mort, dans un monde où une authentique rencontre entre deux êtres humains est inconcevable, le miracle n'est rien de plus qu'une simple rencontre : la rencontre entre les deux personnages principaux qui les lie à jamais et autorise en eux l'éclosion du besoin de liberté et de vie.

La relation entre les deux personnages est essentiellement construite à travers la relation entre le visible et l'invisible. Et c'est là que le son entre en jeu.

L'ouïe fait partie intégrante de l'expérience et de la compréhension de cette histoire dont le centre est Rita, une fille qui est – du moins au début – aveugle.

Comment montrer le point de vue de quelqu'un qui ne voit pas ? D'une fille qui peut se cacher des autres, ou du moins croit en être capable en restant chez elle ? D'une fille qui est à la fois reine et prisonnière de sa demeure ?

La mise en scène que nous avons choisie pour le début du film, afin de décrire ce qu’il se passe depuis son point de vue, fournit un parallèle très profond avec la cécité, une suggestion claire de l'existence claustrophobique de Rita, qui génère la sensation d'anxiété que nous voulions transmettre.

Une fille qui refuse d'abord d'utiliser le don miraculeux de la vue, et qui doit plus tard apprendre à le gérer. Les bruits et sons sont donc d'une extrême importance, parce que Rita se déplace dans son monde et lui donne sens au moyen de ce qu'elle entend.

Grâce aux deux niveaux différents de cécité – la cécité morale de Salvo et la cécité physique de Rita –, et à la définition et l'évolution du regard porté sur le monde et l'histoire, nous avons essayé de stimuler les sentiments et émotions du spectateur en supprimant le sens de la vue, de produire une émotion en résistant à l'émotion, sans jamais la souligner.

Un élément essentiel est la chanson qu'écoute Rita au moment où Salvo entre pour la première fois chez elle, et que Salvo mettra à la fin, pour sceller son union avec Rita.

Votre court-métrage Rita était également centré sur une jeune fille aveugle. Quel lien existe-t-il entre ces deux films et ces deux personnages ?

Le court-métrage a été réalisé alors que le scénario de Salvo existait déjà. Ce sont deux histoires différentes avec des éléments-clés en commun : une jeune fille aveugle nommée Rita, Palerme, et comme élément perturbateur, un étranger s'introduisant par effraction dans la maison de Rita.

La réalisation du court-métrage a eu une influence sur l'idée que nous nous faisions du personnage de Rita dans Salvo, ainsi que sur la manière dont nous avons mis en scène sa cécité. C'est pendant la préparation du court-métrage que nous avons véritablement approché ces questions cruciales : comment mettre en scène le point de vue d'une personne aveugle ? Comment induire chez le spectateur une expérience de cécité ?

Dans notre court-métrage, la caméra se concentre sur Rita, sans contrechamp. Rita est exposée au regard de tous. Le regard des autres joue également comme un élément de contrôle, une forme de surveillance. On ne peut voir ce que Rita a devant elle car elle non plus ne peut le voir. Nous avons ensuite utilisé cette expérience pour le long-métrage.

Salvo est interprété par un acteur palestinien. Qu'est ce qui vous a mené à ce choix ?

Nous avions découvert Saleh Bakri dans le film Le temps qu'il reste d’Elia Suleiman. Le personnage qu'il joue dans ce film, comme notre Salvo, parle très peu, et révèle pourtant une humanité profonde et tourmentée. Nous avons tellement aimé la performance de Saleh qu'en sortant de la salle nous l'imaginions déjà dans le rôle de Salvo. Nous avons ensuite découvert que Fabrizio Mosca, producteur italien de Salvo au même titre que Massimo Cristaldi, connaissait déjà Saleh Bakri par l'intermédiaire de son père, le célèbre acteur palestinien Mohammad Bakri. Une heureuse coïncidence. Et dès notre toute première rencontre, nous avons compris que Saleh avait toutes les qualités que nous recherchions : pureté, présence charismatique, intelligence fiévreuse, force et tendresse. Son regard et son jeu ont révélé la miraculeuse capacité de Salvo à s'ouvrir à la révélation, tout au long de son tortueux chemin vers la rédemption.

La première partie du film a le rythme d'un thriller. Et lentement, le film tend vers un type de représentation plus abstraite. Est-ce un choix narratif ou formel ?

Le film débute en puissance, avec une longue scène d'action et de poursuite, que nous avons intentionnellement façonnée en accord avec les codes du thriller, bien que plusieurs éléments indiquent les développements ultérieurs. Nous voulions que le spectateur entre dans le film par la succession rapide de scènes qui commencent avec la tentative de meurtre sur le personnage principal et son patron jusqu'à la longue séquence dans la maison de Rita, où des éléments-clés de notre histoire deviennent apparents. Quelque chose d'incroyable se passe, qui bouleverse complètement la vie des deux personnages principaux. Même l'histoire et sa représentation filmique changent de cours. Nous pensions être dans un certain type d'histoire et nous nous retrouvons soudain dans une autre histoire née de la première. Comme spectateurs, nous sommes progressivement conduits dans une nouvelle histoire, alors que Salvo et Rita y plongent, forcés d'apprendre à se connaître l'un l'autre et d'accepter cette expérience.

Comment avez-vous développé le film à deux, depuis l'écriture jusqu'à la production ?

Nous sommes habitués à travailler ensemble. C'est une décision que nous avons prise il y a des années, quand nous avons commencé à écrire des scénarios. Nous sommes nés tous les deux à Palerme et nous percevons le monde auquel nous appartenons de la même manière, depuis la même perspective. Réaliser ce film ensemble était simplement la conséquence naturelle d'un processus, l'aboutissement d'un long voyage.

Depuis le tout début, nous avons décidé de développer le projet dans le cadre de plusieurs ateliers européens, afin d'entrer en contact avec un contexte culturel plus large que celui de l'Italie. Le Berlinale Talent Campus, les Ateliers d'Angers, le Binger Film Lab et le Torino FilmLab. Ce dernier événement a été une étape fondamentale dans la vie artistique et les perspectives de production du projet. Au Torino FilmLab, nous avons travaillé avec Franz Rodenkirchen, qui nous a supervisés et accompagnés d'une manière très sensible tout au long de l'écriture du film. C'est également là que nous avons obtenu la première contribution significative à la production, et que nous avons rencontré Antoine de Clermont-Tonnerre, l'un des coproducteurs du film, avec Raphaël Berdugo. Leur soutien, au même titre que celui d'Arte France Cinéma, a été décisif.

Téléchargements